Dans cet article, nous allons explorer comment l’IRM permet non seulement de confirmer le diagnostic de la syringomyélie, mais aussi d’en comprendre les mécanismes, la prise en charge thérapeutique et de classifier les différentes formes.
Affection neuromédullaire : La syringomyélie
La syringomyélie, cette affection neurologique caractérisée par la formation de cavités liquidienne dans la moelle épinière, demeure relativement méconnue avec une prévalence estimée entre 8 et 58 cas pour 100 000 personnes. Si autrefois le diagnostic reposait essentiellement sur des symptômes cliniques parfois trompeurs, l’avènement de l’IRM a complètement révolutionné notre approche de cette pathologie. L’imagerie par résonance magnétique s’est imposée comme la technique de référence absolue pour visualiser ces cavités médullaires avec une précision inégalée.
Physiopathologie et classification de la syringomyélie
Mécanismes de formation des cavités syringomyéliques
Comment se forment exactement ces cavités syringomyéliques si mystérieuses au sein de la moelle épinière ? La question a longtemps divisé la communauté scientifique. Aujourd’hui, plusieurs théories coexistent, la plus communément admise étant celle des perturbations hydrodynamiques du liquide céphalo-rachidien (LCR).
En temps normal, le LCR circule librement autour de la moelle épinière. Or, certaines conditions peuvent perturber ce flux harmonieux. La théorie de Gardner, bien que partiellement remise en question, proposait que les pulsations du LCR, ne pouvant plus s’écouler normalement, créent une pression excessive qui force le liquide à pénétrer dans la moelle via le canal central. Cette hypothèse a depuis été affinée par d’autres chercheurs, notamment Williams et Oldfield.
Explication des neurochirurgiens : L’obstruction des espaces sous-arachnoïdiens, cette fine membrane contenant le LCR, joue un rôle prépondérant. Cette obstruction peut résulter de différentes causes dont la malformation congénitale, des séquelles d’hémorragie méningée ou des adhérences post-traumatiques.
Les traumatismes médullaires représentent d’ailleurs une cause non négligeable de syringomyélie. En effet, à la suite d’un choc violent, des microkystes peuvent se former dans les zones lésées de la moelle puis progressivement s’élargir pour former une véritable cavité syringomyélique, parfois des années après le traumatisme initial.
Syringomyélie IRM : Classification étiologique
La classification des syringomyélies repose principalement sur leur cause. On distingue ainsi :
- La syringomyélie associée à la malformation de Chiari : De loin la plus fréquente, elle résulte d’une anomalie congénitale où les amygdales cérébelleuses descendent anormalement dans le foramen magnum, perturbant la circulation du LCR.
- La syringomyélie post-traumatique : Survenant dans 3 à 4 % des cas de traumatismes médullaires sévères, elle se développe généralement dans les 5 années suivant le traumatisme.
- La syringomyélie idiopathique : Sans cause identifiable, elle représente un défi diagnostique particulier.
- Les formes secondaires – Associées à des tumeurs intramédullaires ou des arachnoïdites inflammatoires ou infectieuses (tuberculose, syphilis).
Protocoles IRM optimisés pour le diagnostic
Séquences IRM fondamentales
Le diagnostic précis de la syringomyélie repose sur un protocole IRM bien établi. Les séquences T1 et T2 constituent la base de l’exploration. En séquence T1, la cavité syringomyélique apparaît typiquement en hyposignal (sombre), tandis qu’en T2, elle se présente en hypersignal (brillante), ce qui permet de la distinguer clairement du parenchyme médullaire environnant.
Les séquences STIR (Short-TI Inversion Recovery) et T2 avec suppression du signal de la graisse (Fat-Sat) s’avèrent particulièrement utiles pour mettre en évidence l’œdème médullaire souvent associé à la syringomyélie. Par ailleurs, ces séquences permettent de mieux visualiser les limites de la cavité et d’éventuelles anomalies de signal dans la moelle adjacente.
Les séquences de flux comme la ciné-IRM ou les séquences en contraste de phase jouent un rôle crucial dans l’évaluation de la dynamique du LCR. Ces techniques permettent de visualiser les perturbations de circulation liquidienne au niveau du foramen magnum et autour de la moelle épinière, offrant des informations précieuses sur le mécanisme physiopathologique en jeu et orientant potentiellement la stratégie thérapeutique.
Syringomyélie IRM : Positionnement et paramètres techniques
Pour obtenir des images diagnostiques de qualité, le positionnement du patient revêt une importance capitale. Un alignement parfait de la colonne vertébrale permet d’éviter les artefacts qui peuvent masquer de petites cavités syringomyéliques. Le patient doit être installé confortablement pour minimiser les mouvements involontaires pendant l’acquisition, qui peut durer jusqu’à 45 minutes pour un protocole complet.
Un protocole médullaire exhaustif doit couvrir l’ensemble de l’axe neural, du tronc cérébral jusqu’au cône terminal. Pourquoi une telle étendue : Tout simplement parce que les cavités syringomyéliques peuvent s’étendre sur plusieurs segments, parfois de façon discontinue, ce qui nécessite une exploration complète.
- Coupes sagittales : primordiales pour évaluer l’extension longitudinale de la cavité
- Coupes axiales : indispensables pour apprécier les dimensions transversales et l’asymétrie éventuelle
L’épaisseur de coupe recommandée ne doit pas excéder 3 mm en sagittal et 4 mm en axial, avec idéalement un espacement minimal entre les coupes. Des coupes trop épaisses risqueraient de masquer de petites cavités ou des septations importantes pour le diagnostic.
Pour la jonction cranio-cervicale, zone critique dans les syringomyélies associées à Chiari, un protocole spécifique s’impose. On y inclut des coupes fines (2 mm) centrées sur le foramen magnum, en séquences T1, T2 et éventuellement ciné-IRM pour analyser la dynamique du LCR.

Sémiologie IRM de la syringomyélie
Caractéristiques morphologiques
La cavité syringomyélique présente des caractéristiques morphologiques distinctives à l’IRM. Sa localisation préférentielle se situe dans la région cervicale et cervico-thoracique, bien qu’elle puisse s’étendre à l’ensemble de la moelle. Environ 70 % des cas débutent au niveau cervical, particulièrement C2-C7 puis peuvent progresser vers les segments thoraciques.
En séquence T1, la cavité apparaît en hyposignal, isointense au LCR, tandis qu’en T2 elle se manifeste par un hypersignal franc. Cette caractéristique permet de la différencier facilement du parenchyme médullaire environnant. Un détail important : contrairement à certaines lésions tumorales, la cavité syringomyélique ne se rehausse pas après injection de produit de contraste.
Séquence | Aspect de la cavité |
T1 | Hyposignal (sombre) |
T2 | Hypersignal franc (brillant) |
STIR | Hypersignal avec meilleure délimitation des bords |
Les dimensions de la cavité constituent un paramètre pronostique majeur. Une cavité occupant plus de 50 % du diamètre médullaire est généralement considérée comme significative et potentiellement symptomatique. Une cavité occupant près de 80 % du diamètre médullaire, provoquera des déficits neurologiques sévères malgré une découverte précoce.
Autre élément crucial à repérer : les septations intracavitaires. Ces cloisons fibreuses peuvent compartimenter la cavité et influencer considérablement l’approche thérapeutique, notamment chirurgicale. Leur visualisation nécessite parfois des séquences à haute résolution, voire des reconstructions multiplanaires.
Syringomyélie IRM : Signes associés et complications
Au-delà de la cavité elle-même, l’IRM permet d’identifier plusieurs signes associés qui complètent le tableau radiologique et orientent le pronostic.
- La déformation médullaire est souvent le premier signe visible, avec un élargissement fusiforme caractéristique du cordon médullaire. À terme, une atrophie médullaire peut s’installer, témoignant d’une évolution chronique.
- L’œdème médullaire périlésionnel, visible en hypersignal T2, constitue un signe d’activité du processus pathologique. Sa présence suggère une évolution récente ou une aggravation de la syringomyélie. Une détérioration clinique imminente est fortement possible.
- Les anomalies osseuses vertébrales méritent une attention particulière, notamment la scoliose (présente dans 25 à 85 % des cas) et les malformations de la charnière cervico-occipitale comme la platybasia ou l’impression basilaire. Ces déformations peuvent parfois être la cause et non la conséquence de la syringomyélie.
- Enfin, les signes d’instabilité cranio-cervicale doivent être systématiquement recherchés, particulièrement dans les formes associées à Chiari.
Diagnostic différentiel en IRM
Syringomyélie IRM : Pathologies à différencier
Distinguer la syringomyélie d’autres affections médullaires représente parfois un véritable défi diagnostic.
- L’hydromyélie, dilatation simple du canal épendymaire central, constitue probablement le diagnostic différentiel le plus fréquent. Contrairement à la syringomyélie qui forme une cavité excentrée, l’hydromyélie reste strictement centrée sur le canal central et communique avec le système ventriculaire.
- La myélopathie vacuolaire, notamment celle associée au VIH ou aux carences en vitamine B12, peut mimer radiologiquement une syringomyélie. Cependant, les « pseudo-syrinx » de la myélopathie vacuolaire sont généralement moins bien délimitées et s’accompagnent d’une prise de contraste médullaire diffuse.
Critères distinctifs en imagerie
Comment différencier avec certitude une syringomyélie d’autres pathologies similaires ? L’analyse fine des signaux IRM offre des éléments de réponse.
Pathologie | Signal T1 | Signal T2 | Rehaussement | Localisation |
Syringomyélie | Hyposignal (LCR) | Hypersignal homogène | Absent | Souvent excentrée |
Hydromyélie | Hyposignal | Hypersignal | Absent | Centrée sur canal épendymaire |
Tumeur kystique | Variable | Hypersignal souvent hétérogène | Présent (paroi++) | Variable, nodule mural |
La localisation préférentielle constitue un élément clé. Les cavités syringomyéliques tendent à être légèrement excentrées par rapport à l’axe médullaire, touchant préférentiellement les cordons postérieurs et la substance grise centrale. En revanche, l’hydromyélie reste parfaitement centrée sur le canal épendymaire.
La communication avec le canal épendymaire représente également un critère distinctif majeur. Cette communication, parfois difficile à visualiser en IRM conventionnelle, peut nécessiter des séquences spécifiques comme la ciné-IRM. Cette communication est systématique dans l’hydromyélie, mais inconstante dans la syringomyélie.
Association avec la malformation de Chiari
Spécificités de l’imagerie du complexe Chiari-syringomyélie
L’association entre syringomyélie et malformation de Chiari représente un tandem pathologique fréquent qui mérite une attention particulière. L’élément cardinal est la mesure précise de la descente des amygdales cérébelleuses à travers le foramen magnum. En général, on considère qu’une descente de plus de 5 mm sous la ligne de McRae (qui relie le basion à l’opisthion) définit une malformation de Chiari de type I. Il existe des cas où cette descente peut atteindre presque 12 mm, avec une syringomyélie étendue sur toute la moelle cervicale.
L’analyse de la fosse postérieure constitue un autre point important. Une fosse postérieure étroite, avec un volume réduit, représente souvent le substrat anatomique à la malformation de Chiari. Les mesures morphométriques comme l’angle de Twining ou l’indice de Klaus peuvent objectiver cette étroitesse.
L’évaluation des citernes de la base, notamment la citerne magna, complète l’examen. Typiquement, on observe une oblitération de la citerne magna dans les malformations de Chiari, avec un « tassement » des structures de la fosse postérieure contre le tronc cérébral. Cette compression peut engendrer des troubles de la dynamique du LCR, facteur déterminant dans la genèse de la syringomyélie.
Syringomyélie : Impact sur la prise en charge thérapeutique
La corrélation entre les anomalies morphologiques visualisées en IRM et la symptomatologie clinique demeure fondamentale. Un Chiari de type I avec une descente amygdalienne modérée peut rester totalement asymptomatique, tandis qu’une descente minime mais compressive peut entraîner une symptomatologie sévère. La décision thérapeutique ne peut donc se baser uniquement sur des critères radiologiques.
Certains critères IRM semblent avoir une valeur prédictive concernant l’évolution post-chirurgicale. D’après mon expérience et les données de la littérature, les patients présentant une syringomyélie sans septations importantes, avec une bonne réserve de LCR périmedullaire en dehors de la zone de compression, ont généralement un meilleur pronostic après décompression de la charnière.
Le suivi post-opératoire par IRM obéit à un protocole relativement standardisé : premier contrôle à 3-6 mois, puis annuel pendant 2-3 ans, et enfin tous les 3-5 ans en l’absence d’évolution défavorable. La régression de la cavité syringomyélique constitue le principal marqueur d’efficacité thérapeutique, bien qu’elle puisse être lente et parfois incomplète.

Syringomyélie IRM : Formes typiques et atypiques
Les présentations cliniques et radiologiques de la syringomyélie peuvent varier considérablement.
1- Les cas classiques associés à une malformation de Chiari présentent généralement une cavité cervicale ou cervico-thoracique, bien délimitée, avec une malformation de Chiari de type I évidente. La symptomatologie associe typiquement des troubles sensitifs dissociés, une amyotrophie des membres supérieurs et parfois des douleurs neuropathiques.
2- Les variantes post-traumatiques présentent des caractéristiques distinctives : la cavité est généralement centrée sur le site du traumatisme initial et s’étend de façon variable dans les segments adjacents. On note fréquemment des remaniements post-traumatiques associés : atrophie médullaire segmentaire, modifications du signal médullaire, voire déformations du canal rachidien.
3- Les formes étendues pan-médullaires, heureusement rares, peuvent s’étendre du bulbe jusqu’au cône terminal. Leur prise en charge représente un défi thérapeutique, nécessitant parfois des approches chirurgicales multiples ou des techniques de dérivation syringosubarachnoïdienne.
Syringomyélie : Suivi longitudinal par IRM
Le suivi longitudinal des patients atteints de syringomyélie permet d’observer l’évolution naturelle de cette pathologie et l’impact des interventions thérapeutiques. En l’absence de traitement, l’évolution est généralement lente mais progressive, avec une extension graduelle de la cavité et une aggravation des symptômes neurologiques.
Les modifications post-chirurgicales typiques incluent une réduction progressive du volume de la cavité, généralement observable dès les premiers mois. Ce rétrécissement débute souvent aux extrémités de la cavité, qui peut se fragmenter en plusieurs segments avant de se réduire complètement. Dans certains cas, on observe une persistance de petites cavités résiduelles qui restent stables et asymptomatiques.
Les critères d’efficacité thérapeutique en IRM comprennent :
- Réduction du diamètre transversal de la cavité, idéalement de plus de 50 %
- Restauration d’un espace sous-arachnoïdien péri médullaire adéquat
- Réapparition de citerne magna bien développée (dans les cas associés à Chiari)
- Absence de nouvelle formation kystique
Les signes de récidive ou de progression doivent être détectés précocement : réexpansion de la cavité initiale, apparition de nouvelles cavités, persistance ou réapparition d’un effet de masse sur les structures voisines. Ces éléments peuvent justifier une reprise chirurgicale ou une adaptation de la stratégie thérapeutique.
Conclusion sur la syringomyélie IRM
L’IRM s’est indéniablement imposée comme l’outil diagnostique par excellence pour la syringomyélie, permettant non seulement de confirmer le diagnostic mais aussi d’en comprendre les mécanismes sous-jacents et d’orienter précisément la prise en charge.
Pour optimiser l’approche diagnostique, retenons quelques points essentiels : privilégier des protocoles complets incluant l’ensemble de l’axe neural, combiner séquences morphologiques et séquences de flux, et toujours rechercher des anomalies associées, particulièrement au niveau de la jonction cranio-cervicale.
L’avenir de l’imagerie de la syringomyélie semble prometteur, avec le développement de techniques avancées comme l’IRM de tenseur de diffusion, qui permet d’évaluer l’intégrité des faisceaux de substance blanche, ou encore les séquences de perfusion médullaire. Ces innovations pourraient affiner la compréhension de la physiopathologie et améliorer encore la prise en charge de cette fascinante mais complexe pathologie neuromédullaire.