Le syndrome d’Ehlers Danlos ou SED n’est pas une maladie ordinaire. Il s’agit d’un groupe de troubles génétiques rares qui affectent les tissus conjonctifs, ces tissus qui soutiennent la peau, les os, les vaisseaux sanguins et pratiquement tous les organes du corps. On pourrait dire que c’est comme si la « colle » qui maintient notre corps ensemble était défectueuse.
Les estimations actuelles suggèrent que le SED touche environ 1 personne sur 5 000, mais beaucoup de médecins pensent que certaines formes sont sous-diagnostiquées, notamment le type hypermobile. D’ailleurs, il faut souvent plusieurs années avant qu’un patient obtienne un diagnostic précis.
Nous allons explorer ensemble ce qu’est exactement le syndrome d’Ehlers Danlos, ses différents types, et surtout comment reconnaître ses symptômes caractéristiques.
Qu’est-ce que le Syndrome d’Ehlers Danlos ?
Définition médicale et mécanismes
Au cœur du syndrome d’Ehlers Danlos se trouve une anomalie du collagène. Le collagène, c’est un peu comme l’armature de notre corps, la protéine la plus abondante qui donne force et élasticité à nos tissus. Chez les personnes atteintes de SED, ce collagène est défectueux ou produit en quantité insuffisante.
Ces anomalies sont d’origine génétique. Elles se transmettent généralement d’une génération à l’autre, selon différents modes de transmission qui varient selon le type de SED. Parfois, il s’agit d’une mutation spontanée, sans antécédent familial.
Les patients décrivent leur corps comme « mal assemblé » : Une image qui, bien que simpliste, reflète assez bien ce qui se passe au niveau moléculaire.
Différents types de SED
La classification internationale de 2017 reconnaît 13 types de syndrome d’Ehlers-Danlos, chacun avec ses particularités génétiques et cliniques.
- Le SED hypermobile : Le plus fréquent (anciennement appelé type III)
- Le SED classique : Caractérisé par une élasticité cutanée importante
- Le SED vasculaire : Le plus grave, avec risque de rupture artérielle
- Le SED kyphoscoliotique : Avec déformation progressive de la colonne
- Et plusieurs autres types plus rares.
Le SED hypermobile représente environ 80 90 % des cas. Curieusement, c’est aussi celui dont les bases génétiques restent les plus mystérieuses. Les chercheurs n’ont pas encore identifié avec certitude les gènes responsables, ce qui complique parfois le diagnostic.
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Syndrome d’Ehlers Danlos symptômes
Manifestations cutanées
La peau des personnes atteintes de SED présente souvent des caractéristiques particulières. Elle peut être étonnamment douce, presque veloutée au toucher. Mais cette douceur cache une fragilité : la peau s’étire excessivement (hyperélasticité) et se déchire facilement. Les blessures, même mineures, cicatrisent mal, laissant souvent des cicatrices larges et fines, parfois décrites comme « papyracées ». Ces cicatrices peuvent s’élargir avec le temps, créant ce qu’on appelle des cicatrices atrophiques. Les hématomes apparaissent aussi facilement, un simple choc qui passerait inaperçu chez d’autres personnes peut laisser une ecchymose importante chez quelqu’un atteint de SED.Syndrome d’Ehlers Danlos : Hypermobilité articulaire
L’hypermobilité articulaire est probablement le symptôme le plus connu du SED. Les articulations dépassent leur amplitude normale de mouvement, on parle alors d’hyperlaxité. Cette caractéristique peut sembler amusante ou impressionnante dans l’enfance (ces fameux « tours de magie » où l’enfant plie son pouce jusqu’à toucher son avant-bras), mais elle devient souvent problématique avec l’âge. Les médecins utilisent le score de Beighton pour évaluer cette hypermobilité, sur une échelle de 9 points. Par exemple, pouvez-vous toucher le sol avec vos paumes à genoux tendus ? Ou bien repliez votre pouce jusqu’à toucher votre avant-bras ? Cette hypermobilité a un prix : luxations et subluxations (déboîtements partiels) deviennent fréquentes. Certains patients rapportent qu’ils « se déboîtent l’épaule en dormant » ou que « leur genou sort de son axe en marchant normalement ». Ces événements répétés entraînent instabilité et douleur chronique.Douleurs chroniques dans le Syndrome Ehlers Danlos
La douleur, voilà sans doute le compagnon le plus fidèle et le moins désiré des personnes atteintes du syndrome d’Ehlers-Danlos. Ces douleurs ne sont pas de simples inconforts passagers, mais des expériences souvent intenses et persistantes. D’où viennent ces douleurs ? Les mécanismes sont multiples. D’abord, les articulations hypermobiles manquent de stabilité. Les muscles et tendons travaillent alors en surrégime pour compenser cette instabilité, s’épuisent et deviennent douloureux. C’est comme si vos muscles devaient faire des heures supplémentaires, sans jamais pouvoir se reposer vraiment. La fatigue chronique accompagne souvent ces douleurs, créant un cercle vicieux : la douleur épuise, et l’épuisement amplifie la perception de la douleur. Sans surprise, les troubles du sommeil sont fréquents, ce qui aggrave encore la situation.Manifestations systémiques
Le syndrome d’Ehlers Danlos est bien plus qu’une affaire de peau élastique et d’articulations trop mobiles, c’est une maladie qui peut toucher presque tous les systèmes du corps. 1-Complications cardiovasculaires Les vaisseaux sanguins, composés en grande partie de tissus conjonctifs, peuvent montrer une fragilité excessive. Dans certains types de SED (notamment le type vasculaire), cette fragilité peut entraîner des complications graves, comme des dissections artérielles. Une surveillance cardiaque régulière est souvent recommandée. 2-Troubles digestifs Environ 75 % des personnes atteintes de SED souffrent de problèmes digestifs. La paroi intestinale, fragilisée par le défaut de collagène, peut être moins efficace. Reflux gastro-œsophagien, syndrome du côlon irritable, constipation chronique… La liste est longue et pénible au quotidien. Les problèmes gynécologiques et urinaires sont également fréquents chez les femmes atteintes de SED, douleurs pelviennes, règles abondantes, cystites à répétition peuvent significativement compliquer la vie. 3-La dysautonomie, un dérèglement du système nerveux autonome, touche près de 70 % des patients. Elle peut se manifester par le syndrome POTS (syndrome de tachycardie posturale), provoquant des accélérations cardiaques anormales lors du passage à la position debout, accompagnées de vertiges et parfois d’évanouissements.Diagnostic du syndrome d’Ehlers-Danlos
Le parcours diagnostique
Obtenir un diagnostic de SED ressemble parfois à un marathon médical. En moyenne, les patients consultent 7 à 8 médecins différents avant d’entendre prononcer ces trois lettres : SED. Cette errance médicale peut durer des années.
Les symptômes sont multiples et peuvent évoquer d’autres maladies et beaucoup de médecins connaissent mal cette pathologie. Certains symptômes comme la douleur sont subjectifs et difficiles à quantifier.
Idéalement, le diagnostic implique plusieurs spécialistes : rhumatologue, généticien, dermatologue, cardiologue… Une approche pluridisciplinaire est indispensable face à une maladie qui affecte tant différents systèmes.
Ehlers Danlos : Critères diagnostiques
En 2017, la classification internationale du syndrome d’Ehlers-Danlos a été revue, établissant des critères plus précis pour chaque type de SED. Pour le type hypermobile, le plus fréquent, les critères reposent sur trois piliers :
- L’hypermobilité articulaire généralisée (évaluée par le score de Beighton)
- Des signes cutanés caractéristiques et d’autres manifestations systémiques
- L’exclusion d’autres diagnostics possibles.
Les examens cliniques peuvent inclure des tests d’extensibilité cutanée, l’évaluation des cicatrices, ou encore la recherche d’une fragilité vasculaire. Dans certains cas, des examens d’imagerie peuvent être nécessaires pour évaluer les complications potentielles.
Maladie SED : Tests génétiques
Pour la plupart des types de SED, des tests génétiques peuvent confirmer le diagnostic en identifiant la mutation responsable. Cependant, pour le SED hypermobile (le plus fréquent), les gènes impliqués ne sont toujours pas identifiés avec certitude.
Ces tests sont donc particulièrement utiles pour les formes rares et potentiellement graves comme le SED vasculaire, mais moins pertinents pour la forme hypermobile. D’ailleurs, un résultat négatif n’exclut pas le diagnostic si les critères cliniques sont réunis.
Le conseil génétique est important pour les familles concernées. Il permet d’évaluer les risques de transmission et d’orienter les choix reproductifs. Certaines formes se transmettent de façon autosomique dominante (un parent atteint a 50 % de risque de transmettre la mutation), d’autres de façon récessive.
Syndrome d’Ehlers Danlos : Traitement et prise en charge
Maladie d’Ehlers Danlos : Approche multidisciplinaire
Pas de miracle ni de traitement unique pour le syndrome d’Ehlers-Danlos, voilà la réalité qu’il faut accepter. En revanche, une coordination efficace entre différents spécialistes peut grandement améliorer la qualité de vie.
En France et dans d’autres pays, des centres de référence pour les maladies rares ont développé une expertise spécifique sur le SED. Ces centres permettent d’accéder à des professionnels familiarisés avec la maladie et ses complexités, une denrée rare et précieuse pour les patients.
Le suivi médical recommandé varie selon le type de SED et les complications présentes. Généralement, il inclut des contrôles annuels, avec une attention particulière aux systèmes cardiovasculaire, musculo-squelettique et digestif.
Gestion de la douleur
La douleur, cette fidèle compagne des patients SED, nécessite une approche sur plusieurs fronts. Les médicaments classiques comme les anti-inflammatoires apportent souvent un soulagement limité. Certains médecins prescrivent des antidépresseurs ou antiépileptiques à faibles doses, non pour traiter une dépression, mais pour leur action sur les douleurs neuropathiques.
La kinésithérapie et l’ergothérapie jouent un rôle central. Un bon kinésithérapeute connaissant le SED vaut de l’or. Il travaille non pas à assouplir davantage (ce serait contre-productif), mais à renforcer et stabiliser les articulations hypermobiles.
Rééducation et renforcement musculaire
Le renforcement musculaire représente sans doute l’une des meilleures stratégies à long terme. Des muscles forts compensent partiellement la laxité ligamentaire. Attention toutefois : tous les exercices ne se valent pas.
À éviter absolument : les étirements extrêmes, les sports à impact ou impliquant des mouvements brusques. Le yoga, souvent recommandé pour la souplesse ? Pas forcément adapté pour le syndrome Ehlers Danlos hypermobile qui n’a pas besoin de s’assouplir davantage !
Exercices recommandés
- Exercices isométriques (contraction musculaire sans mouvement)
- Natation (mais pas tous les styles, le papillon est généralement déconseillé)
- Marche nordique (excellente pour la proprioception)
L’idéal est un programme personnalisé, progressif, respectant les limites du corps. Rome ne s’est pas construite en un jour, et votre stabilité non plus.
Maladie Danlos : Aides techniques et adaptations/La RQTH
Les orthèses stabilisatrices, du simple poignet aux genoux plus complexes, peuvent prévenir luxations et douleurs. Certains patients en utilisent quotidiennement, d’autres uniquement pour des activités spécifiques.
L’adaptation du domicile peut faire une réelle différence : Poignées ergonomiques, ustensiles adaptés, matelas et oreillers de soutien… Côté travail, un poste ergonomique n’est pas un luxe mais une nécessité. La reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH) peut ouvrir des droits à ces aménagements.
Vivre avec le SED au quotidien
Impact psychologique
Accepter une maladie chronique, invisible de surcroît, représente un défi considérable. « Mais tu as l’air en pleine forme » – cette phrase apparemment anodine peut devenir un fardeau quand on souffre constamment.
L’anxiété face à l’incertitude de l’évolution, la dépression liée aux limitations quotidiennes, ou encore le sentiment d’incompréhension sont fréquents. Un accompagnement psychologique par un professionnel connaissant les maladies chroniques peut être précieux.
Les groupes de parole entre patients offrent également un espace où l’on n’a pas besoin d’expliquer l’inexplicable, tout le monde comprend déjà.
Syndrome d’Ehlers-Danlos : Adaptation du mode de vie
Vivre avec le SED implique souvent une réorganisation profonde. Au travail, les aménagements d’horaires ou de poste peuvent devenir nécessaires. Dans le milieu scolaire, des PAI (Projets d’Accueil Individualisés) permettent adaptations et aménagements.
La gestion de l’énergie devient un art. Certains utilisent la « théorie des cuillères », cette idée qu’on dispose chaque jour d’un nombre limité de « cuillères » d’énergie à dépenser judicieusement. Programmer des périodes de repos entre les activités n’est pas de la paresse, mais de l’auto-préservation.
Côté activité physique, rien n’est interdit, mais tout doit être adapté. Certains patients SED pratiquent la natation, le taï-chi ou même l’équitation adaptée avec d’excellents résultats.
Grossesse et SED
La grossesse chez une femme atteinte de SED nécessite une attention particulière. L’élasticité accrue des tissus pendant cette période peut exacerber certains symptômes. Les douleurs pelviennes et lombaires sont souvent plus marquées.
Le risque d’accouchement prématuré est légèrement augmenté. Une césarienne est parfois recommandée, notamment dans les formes vasculaires, mais l’accouchement par voie basse reste possible dans de nombreux cas.
L’idéal est de maintenir un suivi obstétrical par une équipe informée sur le SED, en lien avec un centre de référence maladies rares.
Syndrome d’Ehlers Danlos espérance de vie
Impact sur la longévité
L’espérance de vie varie considérablement selon le type de SED :
- Pour le type hypermobile (le plus fréquent), l’espérance de vie est généralement normale. En revanche, le type vasculaire peut réduire significativement la longévité en raison du risque de ruptures artérielles.
- Les facteurs influençant le pronostic incluent le type de SED, la précocité du diagnostic (et donc de la prise en charge adaptée), et la présence de complications spécifiques comme des atteintes cardiaques.
- Certaines complications potentiellement graves méritent une surveillance particulière : fragilité aortique dans certains types, problèmes valvulaires, ou complications neurologiques comme la malformation d’Arnold-Chiari.
Qualité de vie avec le syndrome d’Ehlers Danlos
Si l’espérance de vie reste souvent normale, qu’en est-il de sa qualité ? Les études montrent un impact significatif : Douleur chronique, fatigue persistante, limitations fonctionnelles…
Avec l’âge, les symptômes évoluent. L’hypermobilité tend parfois à diminuer, mais peut faire place à de l’arthrose précoce. Les stratégies d’adaptation doivent évoluer en conséquence.
SED : La conclusion
Le syndrome d’Ehlers-Danlos reste un défi médical et humain. Diagnostiqué trop tardivement, souvent mal compris, il impose aux patients un parcours semé d’obstacles. Pourtant, une prise en charge adaptée peut transformer ce parcours.
L’importance d’un diagnostic précoce ne peut être surestimée. Il permet d’éviter des années d’errance médicale et de mettre en place des stratégies préventives avant l’apparition de complications.
Les progrès médicaux sont réels, même s’ils semblent parfois lents aux yeux des patients. La sensibilisation croissante du corps médical laisse espérer des diagnostics plus rapides et des prises en charge plus adaptées.
Le dernier mot revient peut-être à cette phrase d’une patiente, Léa, 24 ans : « Le SED m’a appris à m’adapter, à écouter mon corps, et paradoxalement, à profiter davantage de chaque bonne journée. Ce n’est pas le chemin que j’aurais choisi, mais j’ai appris à y trouver mon propre rythme. »

