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Le concept de moelle attachée basse et de moelle attachée occulte. Réalité et aspects occultes.

Pr Michel Zerah

mercredi 3 décembre 2008

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Le concept de moelle attachée et de moelle attachée occulte : réalité et aspects occultes

Le concept de moelle attachée (Tethered Cord) ou tendue et sa corrélation avec des symptômes neurologiques a pour la première fois été rapportée en 1953 (Garceau). Plusieurs auteurs y ont ensuite fait référence, jusqu’à la publication d’Hoffman en 1976 qui proposa le terme de « tethered spinal cord ». Si ce concept est maintenant reconnu et accepté sa définition reste extrêmement floue et recoupe de nombreuses pathologies différentes (lipome du cône et du filum, myéloméningocèle, diastématomyélie, fibrose post-chirurgicale, dysraphysme occultes …). Il se confond de plus avec celui de moelle attachée basse. De nombreux symptômes et signes radiologiques entrent dans le cadre de cette pathologie, mais aucun n’est nécessaire ou spécifique. De plus les premières descriptions étaient basées sur des évidences radiologiques de moelles en position anormalement basses associées à des lésions dysraphiques. Les plus récents articles se dispensent de ces anomalies radiologiques pour faire un diagnostic basé sur des signes souvent flous ou subjectifs et en particulier des douleurs rachidiennes et des troubles sphinctériens (énurésie, impériosité mictionnelle, troubles sensitifs). Certains vont même accepter que certains signes extrêmement fréquents comme l’impériosité mictionnelle et/ou des douleurs rachidiennes, même en cas d’examens radiologiques (IRM) normaux suffisent à évoquer ce diagnostic et proposer un traitement chirurgical rapide.

Un certain nombre de fait va à l’encontre de cette hypothèse :

Une histoire naturelle inconnue

Pendant longtemps la plupart des auteurs ont rapporté que l’histoire naturelle de ces moelles attachées basses se faisait vers une dégradation inéluctable. Il est maintenant prouvé qu’il n’en est rien. Une étude prospective que nous avons mené (Zérah 2008) sur plus de cent enfants chez qui avait été fait le diagnostic de moelle attachée à la naissance a montré que plus des 2/3 restait complètement normaux et asymptomatique à 10 ans. Il n’y a de plus aucune étude prospective sur l’évolution des patients chez qui avaient été diagnostiqué un syndrome de moelle attachée avec imagerie normale.

Une Physiopathologie incertaine

L’hypothèse vasculaire par ischémie médullaire reste la plus populaire. Une tension continue sur le cône par un filum tendu va modifier et réduire le débit sanguin loco-régional et à long terme entraîner une ischémie médullaire. C’est cette ischémie qui expliquerait les symptômes, la section du filum levant cette traction rétablissant une circulation normale. Cette théorie repose sur des expérimentations animales (Yamada 1981) avec des tractions importantes et aiguës sur la moelle. Il n’existe aucune étude in vivo qui ait mesuré cette tension, ni qui ait prouvé cette ischémie chronique. Il faut noter de plus que toutes les études expérimentales ont montré que toute traction effectuée sur la partie basse de la moelle épinière s’épuisait passée 4 ou 5 étages en raison de l’effet protecteur des ligaments dentelés, des racines et de la viscoelasticité de la moelle elle-même. Tous ces arguments étant en défaveur absolue d’une possible répercussion de cette traction basse sur la charnière et sur le Chiari.

Le manque de tests cliniques ou diagnostiques

Le premier des signes associés à ces moelles attachées est l’incontinence. C’est un symptôme difficile à quantifier. Il est de plus extrêmement fréquent dans la population générale en dehors de toute pathologie. Il en est de même pour les douleurs du dos.

L’absence de preuve de l’efficacité de la chirurgie

Il n’existe à ce jour aucune étude correctement conduite prouvant l’efficacité de la chirurgie (série prospective, multicentrique, témoins, critères d’inclusion/exclusion précisés, objectifs définis, quantification des résultats). Les seules publications sont des rapports de cas personnels analysés en rétrospectif sans groupe contrôle et avec un suivi court. Les principaux symptômes étant subjectifs ou dépendants de l’état psychologique des patients, on ne peut non plus éliminer un effet placebo à court terme identique à celui rapporté dans certaines séries chirurgicales récentes (Olanow 2003). Même si cette chirurgie est simple, on ne peut enfin oublier sa morbidité (douleurs, méningocèle, fuite de LCS, méningite, arachnoidite), ni sa mortalité même si elle reste exceptionnelle.

Le concept de moelle attachée occulte et sa responsabilité dans l’existence de signes neurologiques, sphinctériens ou douloureux reste incertain. Iln’existe aucune preuve scientifique de sa physiopathologie, ni de l’efficacité de la chirurgie de filum dans cette indication. On ne peut qu’être d’accord avec le plaidoyer de Jim Drake (2006) en défaveur de cette chirurgie.



Garceau.GJ. The filum terminal Syndrom (The Cord Traction Syndrome). Journal of Bone and Joint Surgery, 1953 ;35 : 711-716

Hoffman.HJ, Hendricks.EB, Humphreys RP. The tetherd spinal cord : its protean manifestations, diagnosis and surgical correction. Childs Brain 1976 ; 2(3) : 145- 155

Zerah.M, Roujeau.T, Catala.M,Pierre-Kahn.A. Spinal Lipoma, in Spina Bifida Management and Outcome. Ozek.M, Cinalli.G, Maixner.W. Springer. 2008 : 245-275

Yamada.S, Zinke.DE, Sanders.D. Pathophysiology of « tethered cord syndrome ». J. Neurosurg 1981 ; 54 : 494-503

Olonow.CW, Goetz.CG, Kordower.JH, and al. A double-blind controlled trial of bilateral fetalnigral transplantation in Parkinson disease. Ann Neurol 2003 ; 54 : 403-414

Drake.JM. Occult tethered cord syndrome : Not an indication for surgery. J. Neurosurg (5 suppl Pediatrics) 2006 ; 104 : 305-308

Le support de présentation
Pr Michel ZERAH. Service de Neurochirurgie Pédiatrique
Groupe Hospitalier Necker Enfants Malades.
Assistance Publique – Hôpitaux de Paris.
Université Paris V. René Descartes.