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Douleurs chroniques : nouveaux outils, nouvelles stratégies thérapeutiques

Dr Nadine AttaL, Dr Didier Bouhassira

mercredi 3 décembre 2008

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La douleur chronique, nouveaux outils, nouvelles stratégies thérapeutiques : stimulation magnétiques trans-crâniennes, toxine botulinique, nouveaux outils cliniques




LES DIFFERENTS TYPES DE DOULEURS CHRONIQUES

On distingue habituellement trois grands types de douleurs chroniques : les douleurs inflammatoires, les douleurs neuropathiques et une troisième catégorie de douleurs ni inflammatoires, ni associées à une lésion nerveuse qualifiées d’idiopathiques ou de « dysfonctionnelles » (fibromyalgie, syndrome du colon irritable, algodystrophie…).

Les douleurs inflammatoires/nociceptives sont associées à une stimulation importante des systèmes nociceptifs physiologiques et, de ce fait, sont également appelées « douleurs par excès de nociception ». Les plus typiques sont représentées par les douleurs post-opératoires et les douleurs rhumatologiques de l’arthrose ou de l’arthrite.

Les douleurs neuropathiques sont consécutives à des lésions du système nerveux qui intéressent les systèmes nociceptifs eux-mêmes, soit à la périphérie soit au niveau central, comme dans la syringomyélie. Elles témoignent donc d’une véritable pathologie de ces systèmes. La douleur est associée à un déficit parfois important de la sensibilité aux stimulations tactiles ou thermiques. Ainsi, un des "paradoxes" des lésions nerveuses est qu’elle peuvent se manifester par la combinaison de symptômes positifs (douleurs, fourmillements, picotements) et d’un déficit sensitif qui peut être partiel ou complet.

Le troisième type de douleurs ne résulte, a priori, ni d’une inflammation ni d’une lésion nerveuse évidente. Cette catégorie inclue un ensemble de syndromes douloureux chroniques très fréquents en population générale comme la fibromyalgie ou le syndrome du colon irritable, souvent associés entre eux. Ces douleurs, longtemps considérées comme psychogènes, n’ont pas encore de dénomination consensuelle et sont appelées idiopathiques ou, comme cela a été proposé plus récemment, « dysfonctionnelles ». Parmi les nombreuses hypothèses physiopathologiques envisagées, celle d’un dysfonctionnement d’origine centrale des contrôles modulateurs de la douleur a été avancée.

DIAGNOSTIC ET QUESTIONNAIRES : LES NOUVEAUX OUTILS

Le diagnostic différentiel entre douleur neuropathique et non neuropathique, notamment inflammatoire est avant tout clinique. Il est désormais facilité par le développement récent d’outils de dépistage spécifiques (Bennett et al 2006). Malgré leur validation indépendante et dans des langues différentes, ces outils présentent des items communs, qui sont les plus discriminants entre douleurs neuropathiques et non neuropathiques : brulûre, décharges électriques/éclairs douloureux, fourmillements/picotements, engourdissement, douleur induite par le frottement.

En France, le questionnaire recommandé pour la pratique clinique est l’outil d’aide au diagnostic DN4 (« Douleur Neuropathique en 4 questions ») conçu et validé par un groupe d’experts français (Bouhassira et al 2005). Ce questionnaire qui comporte un total de 10 questions s’appuie exclusivement sur l’interrogatoire des patients et un examen succinct de la sensibilité. Cet outil permet d’établir le diagnostic de douleur neuropathique avec une spécificité de près de 90 %.

La vocation de ces outils est d’aider au dépistage rapide d’une douleur neuropathique et de pouvoir être utilisés par les non spécialistes en pratique clinique. Ces outils sont particulièrement utiles dans des contextes « non neurologiques » pour détecter les composantes neuropathiques d’une douleur, ou lorsque le patient présente plusieurs types de douleur, ce qui est souvent le cas après lésion médullaire, par exemple dans la syringomyélie. Une autre application essentielle est leur utilisation pour la recherche clinique, notamment épidémiologique. Ainsi l’utilisation de ces outils diagnostiques a permis récemment de réaliser des études épidémiologiques en population générale, qui manquaient encore jusqu’à ces dernières années (Bouhassira et al 2008).

NOUVELLES STRATEGIES THERAPEUTIQUES

La prise en charge des douleurs chroniques varie selon les mécanismes probables de la douleur. S’il s’agit d’une douleur inflammatoire, le traitement repose essentiellement sur les antalgiques de palier I, II ou III (opiacés forts) ou les anti-inflammatoires. En revanche, les douleurs neuropathiques ne sont pas ou peu soulagées par les antalgiques usuels. Les antidépresseurs (amitriptyline, clomipramine, duloxétine pour la neuropathie du diabète) et les antiépileptiques (gabapentine, prégabaline) en constituent les traitements de référence (Attal et al 2006). Enfin le traitement des autres douleurs dites « dysfonctionnelles » comme la fibromyalgie fait également appel aux antidépresseurs (notamment duloxétine) ou aux antiépileptiques (notamment prégabaline).

Il existe désormais de nouvelles armes thérapeutiques prometteuses pour ces douleurs. Parmi ces traitements, la stimulation magnétique transcranienne répétitive (TMS) constitue une technique intéressante. La TMS est une technique de stimulation du cortex cérébral qui consiste à appliquer un champ magnétique à la surface du scalp (Kobayashi et Pascual-Leone 2005). Il s’agit d’une technique non invasive, totalement indolore, et bien tolérée. Cette technique a déjà été proposée dans de nombreuses indications, en particulier dans le traitement de la dépression sévère. Cependant son application pour le traitement de certaines douleurs rebelles ne cesse de s’étendre, en particulier pour les douleurs neuropathiques réfractaires notamment liées à des lésions du système nerveux central (Lefaucheur et al 2008), et pour les douleurs de la fibromyalgie (Passard et al 2006). Selon certaines études récentes, un mécanisme d’action possible de la TMS sur la douleur repose sur le renforcement des systèmes de modulation de la douleur. Ainsi l’efficacité analgésique de la stimulation transcrânienne pourrait faire intervenir des mécanismes distincts de son action antidépressive et spécifiques de la douleur.

Un autre traitement prometteur est représenté par la toxine botulinique, qui, outre son application dans le traitement des douleurs musculaires et de la spasticité, a récemment fait la preuve de son efficacité dans le traitement de certaines douleurs neuropathiques notamment d’origine post-traumatique ou post-chirurgicale, comme après chirurgie de la main ou cure de hernie inguinale par exemple (Ranoux et al 2008).

REFERENCES

Attal N, Cruccu G, Haanpaa M et al. EFNS guidelines on pharmacological treatment of neuropathic pain. Eur J Neurol 2006 ;13:1153-69.

Bennett MI, Attal N, Backonja M, Baron R, Bouhassira D, Freynhagen R, Scholtz J, Tolle T, Wittchen U, Jensen TS. Using screening tools to identify neuropathic pain. Pain, 2006 : 127 : 199-203.

Bouhassira D, Lanter-Minet M, Attal N, Laurent B, Touboul C Prevalence of chronic pain with neuropathic characteristics in the general population. Pain, 2008 : Jun ;136 :380-7.

Bouhassira D., Attal N., AlChaar H, Boureau F et al Comparison of pain syndromes associated with nervous or somatic lesions and development of a new neuropathic pain diagnostic questionnaire (DN4). Pain, 2005 ; 114 : 29-36.

Lefaucheur JP. Use of repetitive transcranial magnetic stimulation in pain relief. Expert Rev Neurother. 2008 ;8 :799-808.

Passard A, Attal N, Benadhira R, Brasseur L, Saba G, Sichere P, Perrot S, Januel D, Bouhassira D. Effects of unilateral repetitive transcranial magnetic stimulation of the motor cortex on chronic widespread pain in fibromyalgia. Brain. 2007 ;130 :2661-70.

Ranoux D, Attal N, Morain F, Bouhassira D. Botulinum toxin type a induces direct analgesic effects in chronic neuropathic pain. Ann Neurol. 2008, in press.

Le support de présentation
Nadine ATTAL, Didier Bouhassira

INSERM U-792
Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur

Hôpital Ambroise Paré

9 avenue Charles de Gaulle

92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

Tel : 01 49 09 44 34

Fax : 01 49 09 44 35

nadine.attal@apr.aphp.fr