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L’HYPNOSE dans les DOULEURS NEUROPATHIQUES

mardi 23 mars 2010

L’hypnose

L’état hypnotique est un mode de fonctionnement banal, naturel qui s’observe dans la vie courante. Ce sont ces instants, où « on décroche », de ce qui nous environne. Sur les quais de gares, dans le métro, station de bus, dans les boîtes de nuit, on peut être « ailleurs » et si quelqu’un nous demande à quoi on pense, on a du mal à s’en rappeler exactement. En sortant du cinéma après un bon film, vous avez du mal à réatterrir dans la réalité objective. Souvent les films sont hypnotiques, en général dans les bons, on ne ressent plus aucune gène, on ne sent plus le fauteuil, ni le temps passer. On est dans ce que l’on appelle « la transe quotidienne ordinaire ».

L’Hypnose médicale actuelle utilise en grande majorité des techniques par le biais du langage pour amener le patient dans cet état hypnotique. L’évolution du patient dans cet état n’est pas laissée au hasard, comme dans la « transe quotidienne ordinaire » mais dirigée par le médecin qui pratique l’hypnose dans un but précis. Ces techniques utilisent principalement le langage. Un mot est comme un bistouri. Il peut guérir, il peut soulager, il peut rendre malade ou il peut tuer.

Le père de l’hypnose moderne est MILTON ERICKSON médecin psychiatre, qui a commencé sa pratique et posé les bases de ces nouvelles techniques à une époque où l’hypnose était bannie aux yeux des scientifiques. Ce qui est étonnant et impressionnant est qu’ERICKSON a souffert toute sa vie de séquelles motrices au niveau des membres inférieurs (poliomyélite dans l’enfance) et qu’à 52 ans il est devenu complètement paraplégique. Il a exercé avec une constance et une détermination jusqu’à sa mort à l’âge de 79 ans. Il a constitué un cas difficile pour ses médecins dès le début de sa maladie, car il n’a jamais évolué de la façon dont eux l’entendent : au départ il devait mourir quand il avait une dizaine d’années, puis il ne devait pas récupérer comme il l’a fait…etc. Il semble que les bases de ses techniques ont commencé au moment où il est tombé la première fois malade.

De nos jours, l’hypnose est de plus en plus utilisée avec de très bon résultats. Résultats qui peuvent, dans certains cas, même devenir étonnants. L’application de l’hypnose peut avoir un intérêt certain dans les douleurs neuropathiques, dans l’amélioration des performances lors de rééducation motrice et fonctionnelle, dans la spasticité, dans les douleurs, les gènes de toutes sortes et dans les difficultés et problèmes psychologiques qui accompagnent le lésé médullaire que se soit immédiatement après traumatisme, ou à distance.

ETAT ACTUEL DE LA RECHERCHE EN HYPNOSE

Définition d’après British Médical Association (1955) : état passager d’attention modifiée chez le sujet, état qui peut être induit par une autre personne et dans lesquels divers phénomènes peuvent apparaître spontanément ou en réponse à des stimuli verbaux ou autres.

L’état hypnotique s’accompagne d’une expérience personnelle particulière et diminue systématiquement et considérablement la perception douloureuse. En outre, des phénomènes comme l’anesthésie, la paralysie, la rigidité musculaire et des modifications vasomotrices peuvent être, dans un état hypnotique produites et supprimées par suggestion ou spontanément.

Dans l’analyse de Montgomery et al 2000, les suggestions hypnotiques ont un effet analgésique important sur la douleur chronique, chez 75% de la population étudiée, constatations confirmées par d’autres études (Blankfield et al. 1995, Lambert 1996, Mauer et al 1991). Ces effets analgésiques se prolongent bien après le traitement même (Lambert 1996, Lang et al 1996, Enqvist et al 1997). Cette analgésie peut s’observer en l’absence des suggestions post hypnotiques d’analgésie.

Un des mécanismes impliqué dans cette réponse favorable peut être la modulation de la nociception (Kiernan et al 1995, Rainville et al 1997, Faimonville et al 2000).

Des nombreuses études ont essayé de retrouver une corrélation entre l’état hypnotique et l’EEG ou l’hypnotisabilitée et l’EEG. Aucune corrélation n’a été démontrée à ce jour. En ce qui concerne les potentielles évoqués, certains ont trouvé des modifications lors des suggestions pendant l’état hypnotique mais ces travaux n’apportent pas d’explication quant aux mécanismes impliqués.

Les débuts d’une ébauche d’explication commencent à être donnés par l’imagerie cérébrale. En 1985 Baer et al montrent par PET qu’il n’y a aucune modification significative de l’activité cérébrale pendant l’hypnose. Par contre, les études de Crawford et al 1993 utilisant le Xenon 133 montrent des modifications du débit cérébral régional en cours d’analgésie hypnotique (augmentation significative du débit au niveau des cortex somato-sensoriels et orbito-frontaux). Par contre, il n’existe aucun accroissement ou diminution de la consommation de glucose dans les mêmes régions. En 1997 Rainville et al mettent en évidence l’implication majeure du cortex cingulaire antérieur qui encode l’inconfort d’un stimulus nociceptif, son activité augmentant en même temps que le stimulus ainsi qu’avec la simple suggestion du stimulus douloureux sous hypnose. Faymonville et al montrent une augmentation significative du débit cérébral en hypnose dans les cortex visuels extra striés gauches (Brodmann 18.19), lobule pariétal inférieur gauche (Brodmann 40), cortex pré central gauche (Brodmann 6), cortex préfrontal gauche portion ventrolatérale (Brodman 45), cortex cingulaire antérieur droit (Brodmann 24.32), et cortex occipito-temporal gauche (Brodmann 37). Une diminution du débit sanguin cérébral est remarquée dans les cortex temporaux bilatéraux, le précuneus et le cortex cingulaire postérieur gauche et le cortex pré moteur droit. L’activation du cortex préfrontal et du cortex cingulaire antérieur peut laisser penser que l’attention du sujet est préservée lors du processus hypnotique mais la désactivation du précunéus et du cortex cingulaire postérieur peuvent suggérer que le sujet vit un état de conscience modifié.

Le traitement de l’information nociceptive est complexe et fait intervenir plusieurs sites au niveau central (noyaux thalamiques, cortex cingulaire antérieur, l’insula, les cortex somato-sensoriels, le cortex préfrontal, et le cortex prémoteur) avec une interaction en réseau. L’implication du cortex cingulaire et du thalamus dans la modulation de la stimulation nociceptive chez les sujets sains sous hypnose a fait l’objet d’études en imagerie fonctionnelle. La totalité des études en IRM F jusqu’à présent est réalisée sur le sujet sain et non pas sur des patients atteints de douleurs chroniques. Aucune étude n’a cartographié les modifications morphologiques lors du traitement par hypnose des sujets douloureux chroniques et notamment l’implication des structures du système limbique et des structures au niveau du tronc cérébral. A part les données en IRM fonctionnelle qui sont déjà pauvres, il n’y a pas d’étude concernant le tracking des fibres ni dans la douleur chronique, ni pendant le traitement par hypnose.


L’HYPNOSE dans les DOULEURS NEUROPATHIQUES

- Que peut apporter l’hypnose dans les douleurs neuropathiques ?

La complexité des douleurs neuropathiques fait que seulement une prise en charge polythérapeutique et polydisciplinaire peut amener une amélioration. L’hypnose médicale est donc un outil supplémentaire qui se rajoute aux traitements pharmacologiques. Les études scientifiques montrent que l’hypnose a un effet plus durable dans le temps (plusieurs mois voir années) par rapport aux autres traitements non médicamenteux.

- Quelles sont les modalités d’action de l’hypnose ?

Un des mécanismes d’action consiste en l’activation des systèmes descendants endogènes d’inhibition de la douleur. Il ne s’agit pas d’une action des opioïdes endogènes.

- S’agit-il d’une forme de méditation ou relaxation ?

Non. L’hypnose est une état naturel de fonctionnement cérébral, comme l’état de veille ou de sommeil. On retrouve une activité cérébrale intense, dirigée dans un but précis.

- Quels sont les risques ?

Il n’y a pas de risque. Les seules contre-indications sont quelques pathologies psychiatriques comme la schizophrénie, les dépressions graves avec risque de passage à l’acte.

- Y a-t-il des personnes non-hypnotisables ?

D’après les études, 80 % de la population normale est hypnotisable. Le plus souvent les « échecs » sont dus au choix de la technique et au manque d’expérience du médecin qui pratique. l’acte.

- Combien des séances sont nécessaires ?

Un entretien préalable est suivi d’un nombre variable de séances en fonction des individus et de leur pathologie. Un minimum de 5 à environ une dizaine. Le rythme des consultations est de1 à 3 semaines.

- Peut-on être hypnotisé contre notre volonté ?

Non.

- Y a t-il un risque de ne pas se réveiller ?

Comme vu plus haut, il s’agit d’un état naturel de fonctionnement cérébral qui peut apparaître et s’arrêter spontanément. Dans le cas d’une transe induite, celle ci est arrêtée par le médecin ou elle peut s’arrêter seule.

- Est-ce que l’on oublie tout après une séance d’hypnose ?

Le souvenir du vécu pendant la transe est gardé dans la mémoire consciente partiellement. Les détails peuvent être le plus souvent oubliés. Par contre certains souvenirs du passé considérés comme complètement oubliés peuvent resurgir.

- L’hypnose médicale est-elle similaire à ce que l’on voit à la télé ?

Non. D’une part, dans l’hypnose de spectacle, les sujets sont choisis à l’avance parmi les plus suggestibles, pour pouvoir appliquer des techniques d’induction rapide ce qui rend la méthode plus spectaculaire. Dans la pratique médicale, nous pouvons utiliser des techniques rapides, ou plus lentes, en fonction de chaque patient, de sa personnalité, de ses attentes, du but à atteindre, de sa symptomatologie. D’autre part, les suggestions intra hypnotiques, utilisées dans les spectacles sont totalement inutiles dans l’hypnose médicale, (utiles uniquement pour impressionner).

- S’agit-il d’une manipulation ?

Il ne s’agit en aucun cas d’une manipulation. Le patient peut choisir, peut changer et interpréter à sa façon les suggestions du médecin. Souvent même, il transforme les indications et les métaphores à sa façon. Il peut même refuser certaines suggestions pendant l’état intra hypnotique et le faire savoir. C’est principalement le travail du médecin de s’adapter en permanence à son patient, à ses souhaits et à son vécu du moment.

- Comment se passe une séance, en pratique ?

La première consultation est constituée principalement d’un entretien, examen clinique, etc. comme toute consultation médicale. La demande et le but du traitement sont établis.

- Peut-on retrouver, sous hypnose des événements du passé ?

Comme nous l’avons déjà évoqué, certains souvenirs du passé peuvent resurgir, mais il ne s’agit pas de retrouver des événements précis, en détail. Les souvenirs sont modifiés considérablement (que ce soit à l’état conscient ou pendant l’état hypnotique) par une interprétation subjective au moment de l’événement ainsi que à postériori dans le temps. Les études montrent que la recherche des événements précis sous hypnose peut entrainer en fait la fabrication de faux souvenirs.